/fdata%2F3792332%2Favatar-blog-1151919812-tmpphpRgoQ8W.jpeg){kind=avatar}
La nuit, toute chose prend sa forme et son vrai aspect. De même qu'on ne distingue que la nuit les étoiles du ciel, on aperçoit alors sur la terre bien des choses qu'on ne voit pas le jour.
[Selma Lagerlof]
Naguère redoutée, la nuit a été apprivoisée par le feu et l’électricité de l’homme.
Nos ancêtres vivaient le jour, craignant les dangers de l’obscurité. Les ténèbres concordaient avec le sommeil, le songe et le rêve…
Désormais il est des villes où la lumière ne dort jamais, où les chiroptères ont cédés la place à des oiseaux de nuit bien humains…
Cette moitié de nycthémère que certains occupent à dormir est devenu l’instant privilégié d’une foule hétéroclite qui s'amasse autour des lieux de vie comme les lépidoptères autour d'un lampadaire…
Employés de bureau cherchant du piment dans leur vie morne, étudiant serveurs payés au lance-pierre, couguars pistant l’homme jeune et fringuant, chasseurs dragueur écumant les rues à la recherche de chair fraîche et d’éthanol…
Nous sommes bien loin de l’époque où la nuit était l’écrin du romantisme, où la lueur de la lune réveillait les passions…
De 8 PM à 8 AM, la ville est désormais comme en plein jour, fusillées de lasers, de néons, de lampadaires et de spots.
La nuit n’est plus le moment où la lumière s’éteint, elle est l’instant où l’homme change de peau, enfile son plus beau masque et part chercher du réconfort ou de l’aventure dans le monde de la nuit… où l'on remplace les rêves du sommeil par du plaisir à la carte…
Bien sûr la nuit reste propice à l’inspiration, à la réflexion et à l’onirisme…
Mais le citadin moderne recherche du concret, du plaisir brut. Il n’est plus dans la contemplation, dans la dégustation, il se place de plus en plus dans une voracité du plaisir.
La ville et ses lumières… cadre féerique musical et coloré, peuplé de gens souriants, heureux, généreux, beaux et élégants, animés de bonnes intentions.
Voilà ce que l’on voit de prime abord dans ce monde.
Le besoin fondamental d’être aimé explose dans cette euphorie ambiante. Les embrassades se succèdent, les déclarations amicales et amoureuses passionnées fusent.
On se rend vite compte que pour s’intégrer, se mélanger à une foule aussi hétéroclite, les êtres s’arment d’hypocrisie. Derrière ce masque qui sourit à qui mieux mieux, il y a un esprit qui analyse la concurrence, qui juge une tenue vestimentaire qui joue son propre jeu de la séduction.
Quand vient le soir, nous devenons en quelque sorte les directeurs marketing de notre petite personne, cherchent la clientèle potentiel et écartant la concurrence….
L’humain bridé par son travail et sa vie lâche prise la nuit. Nouveau codes, nouvelles règles, plus souples que celles du monde du travail. Rapidement, l’être devient plus spontané, plus accessible et donc plus ouvert.
Il est donc tout à fait normal que des marionnettistes voient le jour…
Il est en effet plus facile d’user de manipulation face à un être détendu, alcoolisé et privé d’une partie de son esprit critique…
Tous types de buts, tous types de méthodes sont utilisées… de la séduction à l’alcoolisation, de la flagornerie à l’exposition de son pouvoir d’achat…
Le but étant de ne pas rentrer seul, d’être reconnu, aimé…
Et nous voyons sur facebook se reproduire le même schéma. Comme si cet univers virtuel était un prolongement diurne de nos soirées…On se congratule, on se masturbe, on se fait mousser, on drague, on s’écrit de belles fariboles, des déclarations guimauve. Pour un brin de popularité, de reconnaissance. On a également des « amis » factices, qui ne nous connaissent pas, qui entrent et sortent de nos vies du jour au lendemain, au gré de nos intérêts et des leurs… Toujours ce plaisir à la carte…
On en vient à être fier de voir des personnes adhérer à un de nos groupes puisqu’on a l’impression que c’est notre esprit qu’elles saluent. Plaisir facile et un brin illusoire, comme ceux que l’on peut vivre la nuit.
Au bout du compte, quelle que soit la conclusion de nos pérégrinations nocturnes, chacun remet au matin son masque d’employé en attendant le soir…pour pouvoir recommencer.
Vision froide ?
Oui, car elle ne concerne pas tous les noctambules. On trouve aussi des amis sincères qui sortent ensemble et n’ont rien à se prouver, des artistes qui trouvent leur inspiration à la tombée du soir, des esthètes qui tirent de la joie d’un spectacle nocturne…
Mais il est parfois judicieux d’avoir conscience du milieu que l’on fréquente la majeure partie du temps…
Alors ? On bouge ce soir ?
Bonus :
